Plus tôt dans le mois, Bloomberg publiait un article dans lequel on apprenait que les frères Guillemot pourraient envisager un rachat d’Ubisoft par le géant chinois Tencent, faisait ainsi grimper le cours de l’action de la société française de 30 %. Des experts en bourse se sont ainsi intéressés à ce cas de figure, et l’un d’eux a justement partagé une trouvaille qui semble pointer vers un délit d’initié.
Un potentiel cas de délit d’initié repéré
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de rappeler ce qu’est un délit d’initié. Si l’on se fie à la définition de Wikipédia, c’est un délit de marché que commet délibérément un investisseur en valeurs mobilières en utilisant des informations sensibles qui sont de nature confidentielle et dont ne disposent pas les autres investisseurs.
Dans le cas d’Ubisoft, Nicolas Chéron, qui se définit comme stratégiste boursier indépendant, a constaté qu’environ 45 minutes avant la mise en ligne de l’article de Bloomberg, qui a fait monter le cours de la bourse, environ 225 000 titres Ubisoft ont été échangés en moins d’une minute. C’est en effet ce qu’il a expliqué dans les colonnes de CheckNews.
« Ce qu’il s’est passé est assez fou : à 14h57, environ 45 minutes avant la mise en ligne de l’article de Bloomberg, il y a eu environ 225 000 titres Ubisoft échangés en moins d’une minute. Quelqu’un a acheté tous les ordres à la vente, d’un coup. Au total, ça fait 2,4 millions. Et comme ces 200 000 titres sont passés en trente secondes environ, il y a une très grosse probabilité que ce soit un seul ordre et une seule personne derrière. »
Nicolas Chéron précise aussi que cet achat a de quoi étonner, dans la mesure où le titre était dans une véritable « spirale infernale ». Il avait perdu « plus de la moitié de sa valeur depuis le début de l’année, mais surtout 80% sur trois ans et près de 90% sur cinq ans ».
« On n’a aucun moyen de savoir si la personne [qui a acheté 45 minutes avant] a depuis vendu ou pas. Si elle a l’information d’une vente, elle va probablement les garder bien au chaud. Elle peut facilement revendre à +50%, soit un million d’euros empoché. »
Ubisoft
Jean michel délit d'initié,
a eu la news à 14H30,
en a acheté 300 000,
une heure plus tard +25% pic.twitter.com/olmVlAGvxn— Nicolas Chéron (@NCheron_bourse) October 4, 2024
Bien que le délit d’initié ne soit pour le moment pas avéré, CheckNews souligne que la société avait déjà été confrontée à cette situation par le passé. Trois dirigeants de l’entreprise avaient été condamnés en 2016 pour avoir vendu des titres en 2013, juste avant l’annonce des reports de Watch Dogs et The Crew.
Une députée française demande une enquête
- Christine Pirès Beaune, députée socialiste, à l’Assemblée nationale, à Paris le 30 janvier 2024. (Amaury Cornu/Hans Lucas)
On apprend aussi grâce à CheckNews que cette affaire a atteint la sphère politique française, puisque Christine Pirès Beaune, députée socialiste du Puy-de-Dôme, a adressé un courrier à Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l’Autorité des marchés financiers, pour s’assurer qu’un dossier avait bien été ouvert.
« J’imagine que ce sujet a très rapidement retenu votre attention. […] Eu égard au contexte économique et budgétaire actuel, où des efforts significatifs vont être demandés à tous nos concitoyens, ce type d’annonce est de nature à saper davantage le contrat social entre Français, si vient à planer un sentiment d’impunité pour les (généralement) très riches se livrant à ces manœuvres. Sans porter atteinte au secret d’instruction de ce dossier, je souhaite que vous m’indiquiez si l’AMF envisage de communiquer sur le fait que cette affaire est bien “entre vos mains” et de garantir que le caractère prétendument anormal de ces mouvements fait ou fera bien l’objet d’une investigation. »
L’AMF a indiqué à CheckNews « ne pas faire de commentaire s’agissant de sociétés cotées en particulier ». Une source proche du dossier à indiquer au média que l’AMF est toujours plus « vigilante » dans « les périodes de forte activité ou de grosse actualité sur un titre » et que l’ouverture d’une enquête ne fait jamais l’objet d’une annonce publique.