Être la suite d’un jeu devenu légendaire est à double tranchant. Si une attente naturelle se créée, ce qui est un avantage indéniable, celle-ci est forcément d’un niveau très élevé, et toute faiblesse du jeu sera dénoncée sans aucune pitié. C’est ce qui était arrivé à Deus Ex : Invisible War, qui n’était pas un mauvais jeu, mais qui a été très mal reçu du fait que la simplification du matériau de base avait été trop poussée. Ce Deus Ex : Human Revolution se doit de redorer le nom de Deux Ex auprès des fans pour que la légende perdure. Et je vous donne un aperçu du test dès cette introduction : il y parvient parfaitement.
Cyberpunk
L’histoire prend place en 2027 alors que les implants et la cybernétique commencent à vouloir se généraliser dans la société, provoquant des débats houleux entre partisans des promesses de l’artificiel et opposants à la déshumanisation. Sarif Industries, la société dans laquelle travaille Adam Jensen, est violemment attaquée. Tout cela débouche sur un drame pour notre héros, qui perd sa dulcinée. Lui-même, terriblement blessé, ne doit la vie qu’à une intervention chirurgicale faisant de lui un cyborg (séquence qui fera fortement penser à Robocop). Bien naturellement, il voudra se venger des agresseurs, probablement des humano-terroristes cherchant à bloquer son patron, progressiste convaincu des bienfaits de la cybernétique.
Mais parce que Deus Ex est Deus Ex, rien ne sera aussi simple et manichéen…Politique, intérêts financiers et complots sont de la partie. On peut le deviner dès le début, et cela se confirmera sans cesse, le scénario, au final relativement simple, est remarquablement écrit et conduit à poser des questions classiques dans l’univers cyberpunk sur la place de l’être humain, sur ce qu’être un humain signifie. Les différentes thématiques sont traitées avec finesse (ne vous inquiétez pas, ce n’est pas un cours de philo, c’est bien un jeu !), au fil des rebondissements jalonnant l’histoire qui est racontée. Les choix qu’on sera amené à faire auront des conséquences, et le jeu comporte plusieurs fins pour mieux suivre notre parcours. Il faut tout de même noter que la progression de l’histoire reste très balisée, et que l’influence qu’on peut avoir sur les événements reste limitée.
A travers les trois villes visitées, c’est un univers d’une cohérence fantastique qui est exposé pendant une petite trentaine d’heures. La richesse du background est immédiatement évidente, et on pourra lire des kilomètres de textes (bien écrits, pour une fois on ne s’ennuie pas et on les lit vraiment !), ou bien écouter les bavards habitants. Les différentes factions, groupes de personnes ou partis politiques semblent réels, et comme dans toute bonne œuvre d’anticipation on oublie que ce n’est qu’une fiction et on croit dur comme fer à ce qui est sous nos yeux. Ce n’est pas la moindre des gageures. On retrouve cette cohérence, dans un esthétisme qui fait parfois (souvent) penser à Blade Runner. Un univers froid, sans pitié, dur, et un peu morose, même si des touches d’humour viennent ponctuellement contredire cette impression. Chaque ville a sa personnalité, est identifiable, et il plane un parfum de réalité dans cet univers décrit avec précision et exactitude. Comme en plus on peut y diriger Adam comme bon nous semble, on arrive à un succès total, rarement atteint.