Merci Square-Enix. Merci de penser à nous, pauvres possesseurs de Xbox One et PS4, qui, les yeux pleins de larmes, la main tendue sur le front, scrutent l’horizon et attendent fébrilement l’arrivée prochaine de jeux. Voyant la famine se préciser, n’écoutant que son coeur et son altruisme, Square-Enix proposa d’offrir une jeune aventurière en pleine mue “survivalistique” afin de les rassasier et de rentabiliser le voyage de la belle.
Version Xbox One :
Et la voilà donc débouler sur One plus belle que jamais ! J’en vois déjà derrière leur écran monter sur la tour de leur PC pour crier à l’injustice et éructer les sempiternels “Ué mais sur PC on avait le même jeu depuis longtemps » ! Je ne leur donnerai raison qu’en partie. Force est de constater que les développeurs ont réellement peaufiné la modélisation de la belle pour cette Definitive Edition et elle s’avère particulièrement agréable à suivre du regard et même plus jolie que dans sa version PC. Son visage s’avère plus fin, ses yeux plus délicats, expressifs et elle bénéficie en prime de cheveux réalistes avec le moteur TressFX réservé auparavant aux PC. Les cheveux c’est bien, mais j’avoue ne pas avoir été complètement emballé par cette avancée qui souffre encore de quelques scories assez étranges. Lorsque Lara ne se trouve pas débout sur ses pieds, sa frange oublie les règles de la gravité et reste imperturbablement collée sur son front ; ne parlons même pas de l’humidité, boue et sang qui n’agissent pas sur la fabuleuse coiffure de notre fabuleuse héroïne, mais cela viendra sûrement. Outre Lara, les principaux protagonistes du jeu bénéficient aux aussi de ce lifting, même s’il est au final moins abouti.
L’amélioration graphique va surtout nous mettre une claque au niveau de ses effets. Les décors s’avèrent magnifiés par les bourrasques de vent, les brumes passagères, les lumières diffuses ou celles du soleil, rasantes, qui les nimbent. Comparé à la version 360 c’est cet écrin technique qui va vous faire redécouvrir l’aventure trépidante mais très mal écrite de notre héroïne en débardeur. Certains paysages nous apparaissent alors dans toute leur démesure avec une nuée d’oiseaux dans un ciel de tempête balayé par les débris et les embruns. Inutile d’en rajouter une couche, vous l’aurez compris, le jeu, déjà magnifique sur Xbox 360, arrive encore à flatter nos rétines sur One et de fort belle manière.
Outre sa beauté technique, le jeu dispose des mêmes qualités et des mêmes faiblesses que le jeu original à savoir un rythme trépident, une aventure soutenue et spectaculaire sapés par une histoire pataude et une narration catastrophique. Il est toutefois livré avec l’intégralité des DLC sortis sur 360 qui concernent essentiellement le multi avec des maps supplémentaires mais celui-ci reste toujours aussi anecdotique malgré les réajustements apportés au niveau de son équilibre. Pour le solo il faudra se contenter de quelques tenues supplémentaires disponibles dès le début du jeu pour Lara et un tombeau de plus qui se termine, comme les autres, en 5 minutes montre en main. Mais les bonus de cette version ne s’arrètent pas là, la One bénéficie aussi d’éléments propres comme l’intégration de Kinect dans le jeu. On pourra donc à la volée, d’une simple commande vocale, afficher la carte, changer d’armes et de munitions. Une option loin d’être primordiale vu la configuration très pratique des raccourcis du jeu mais qui s’avère à l’usage assez sympathique durant les combats tendus qu’il nous propose. On pourra même examiner les artefacts à la main, ce qui est, là, totalement superfétatoire. Côté bonus on aura aussi la possibilité de retrouver l’intégralité du making off sous titré et la bande dessinée offerte en précommande dans sa version numérisée. Assez moche et mal écrite, elle est de plus entièrement en anglais, mais elle a au moins le mérite de faire ce que le jeu ne fait pas : poser les personnages. Dans ce panel assez complet, on regrettera juste l’impossibilité de pouvoir voir la carte via notre tablette en utilisant une option Smartglass qui n’est ici pas utilisée. Petite cerise sur le gâteau, les 31 Go d’installation obligatoire du jeu nous offriront le luxe de bénéficier de la version originale sous-titrée français (et pas que l’allemand comme sur 360) qui nous évite de subir à nouveau les petits cris lascifs et la prestation atone et décevante d’Alice David. Rien que cela justifierait presque l’achat de cette nouvelle version de Tomb Raider.
Quoi qu’il en soit, l’investissement (55 euros quand même) est loin d’être indispensable pour tout ceux qui l’avaient déjà fini sur 360 car mis à part le fait de le redécouvrir magnifié, cette version n’apportera rien de plus. Les joueurs n’ayant pas encore vécu le renouveau de Lara Croft découvriront la version la plus aboutie d’un jeu pop corn terriblement efficace et plaisant plombé par les mêmes soucis d’une narration poussive digne des meilleurs nanars cinématographiques.
Tomb Raider et Lara Croft : mort et naissance...
Oui, avant tout, qu’est ce que Tomb Raider ? Les plus jeunes d’entre vous n’ont certainement jamais joué à un seul titre de cette série désormais culte du jeu vidéo apparue en 1996 au début de l’ère Playstation. 1996 soit 17 ans de cela, ce qui ne va pas rajeunir les plus vieux d’entre nous, dont je fais partie, et qui ont découvert fébrilement, manette en main l’une des meilleures séries d’aventure plate-forme et surtout l’un des personnages les plus charismatiques et emblématiques du jeu vidéo : Lara Croft.
Le premier Tomb Raider connut un véritable plébiscite auprès des joueurs et de la presse spécialisée, “icônisant” son personnage principal et faisant entrer la saga au panthéon du jeu vidéo. Core Design, le développeur anglais du jeu, enchaîna dès 1997 avec un Tomb Raider 2 lui aussi acclamé, malgré le départ de Toby Gard parti sous d’autres cieux. Eidos, l’éditeur propriétaire de Core Design ne souhaita pas voir tarir sa poule aux oeufs d’or et les épisodes se succédèrent sans interruptions à un rythme effréné et sans aucune remise en question. Tomb Raider 3 sortit en 1999, Tomb Raider la révélation finale en 2000 et Tomb Raider sur les traces de Lara Croft en 2001. Une longue descente aux enfers qui viendra se clore pour Core Design en 2003 avec un piteux Tomb Raider l’Ange des ténèbres.
Un ange dont les ailes ont été coupées et qui ne fait plus rêver personne. Après cet épisode, Eidos se sépare de Core Design et leur retire la licence pour la confier à Crystal Dynamics, qui aura la lourde tâche de redresser la série. Ils y arrivent partiellement en 2006 avec l’honorable Tomb Raider Legend, pour lequel Toby Gard est embauché en tant que consultant. Puis en 2007 à l’occasion du dixième anniversaire de la saga ils optent pour le remake du premier épisode qui réussira à convaincre les fans de la série. En 2008, avec l’aide d’un Toby Gard plus impliqué que jamais et un moteur magnifique, Lara Croft revient plus belle que jamais avec l’excellent Underworld mais qui se heurte cette fois-ci à un nouvel aventurier nommé Nathan Drake qui fait sérieusement de l’ombre au retour de la belle Lara malgré une approche différente plus orientée action et grand spectacle. Le rachat d’Eidos par Square Enix en 2009 semble aussi marquer un virage insidieux que l’on remarquera à peine avec un spin off de la série sorti exclusivement en dématérialisé sous le nom de Lara Croft and the Guardian of Light. Le nom de Tomb Raider abandonné marquera en effet la prise de pouvoir de son héroïne, de son emblème : Lara Croft.
Lara Croft a été imaginée par Toby Gard, designer chez Core Design, qui a l’origine était parti sur un personnage masculin clone d’Indiana Jones avant de changer de direction et de proposer un personnage féminin éloigné le plus possible des stéréotypes dominant du jeu vidéo de l’époque. Cette aventurière au caractère fort, sud américaine dans un premier temps nommée Laura Cruz puis anglicisée pour devenir Lara Croft, est l’un des personnages les plus emblématiques du jeu vidéo. Au sommet de sa gloire, elle fit la une du magazine Vogue et participa à de nombreuses publicités à la télévision. Un véritable phénomène culturel dont le nom sera mondialement connu en dehors du simple monde du jeu vidéo couronné par deux films, plutôt moyens, où la belle est interprétée par Angelina Jolie.
Qu’est ce que Tomb Raider ?
Tomb Raider est un jeu d’action plate-forme proposant des environnements entièrement en 3D. Ces environnements immersifs et la grande liberté accordée au joueur ont rendu particulièrement grisantes les aventures de Lara dans des ruines oubliées, truffées de pièges mortels, de maléfices séculaires et d’énigmes particulièrement retorses. Qui ne se souvient pas de l’attaque du tyrannosaure dans la vallée perdue, des deux grandes statues égyptiennes englouties et de l’énigme du temple de Minos ? Ce savant mélange de plateforme, de puzzle et d’action, porté par la continuelle découverte de lieux magnifiques et regorgeant de secrets a toujours été à la base de la série, même dans ses heures les plus sombres. Le joueur se devait de bien regarder et découvrir son environnement afin d’avancer dans le jeu, de tenter des sauts millimétrés afin de s’accrocher à une corniche semblant hors de portée ou de faire preuve d’une extrême adresse afin d’éviter des pièges mortels.
L’essence de la série reposait sur cette alchimie, sur cette magie, sur cette exploration minutieuse de son environnement pour avancer et pour en découvrir ses secrets, ses reliques oubliées. Sur la capacité de Lara à se sortir des situations les plus délicates, se défaire des autres chasseurs de trésors et de découvrir par des moments de calme soutenus l’inoubliable thème de Nathan McCree qui laissait place à la contemplation et au recueillement. Tomb Raider c’était tout cela. C’était tout cela avant le reboot concocté par Crystal Dynamics.