Allégations de sexisme et de harcèlement chez Undead Labs (State of Decay)

«Une histoire qui fera tache» le 1er avril 2022 @ 13:062022-04-01T14:21:48+02:00" - 4 réaction(s)

Les affaires de sexisme et de harcèlement sont malheureusement monnaie courante dans l’industrie du jeu vidéo et l’émancipation de la parole des victimes ne fait que mettre en lumière ces agissements, et ce dans toutes les structures. C’est aujourd’hui le studio Undead Labs (State of Decay), membre des Xbox Game Studios, qui est mis sous les projecteurs pour des allégations de sexisme, d’intimidation et d’épuisement professionnel.

Une affaire compliquée pour Microsoft qui souhaite montrer l’exemple depuis des mois

Alors que Microsoft a reçu hier le prix de la meilleure culture d’entreprise mondiale et que le groupe a annoncé suivre de près les affaires internes d’Activision Blizzard, c’est finalement au sein de son propre groupe que la tempête s’est déclenchée, comme nous le détaille Kotaku dans son dossier. En effet, ce sont des accusations remontées par le personnel d’Undead Labs concernant des faits survenus durant l’intégration aux Xbox Game Studios qui sont mises en lumière aujourd’hui. L’environnement toxique et le harcèlement ambiant auraient largement perturbé cette transition.

Suite au rachat par Microsoft survenu il y a quatre ans, le studio Undead Labs a pris une nouvelle ampleur et ses ambitions n’ont fait que croître malgré le départ du fondateur emblématique de la série State of Decay. Le troisième opus est en développement depuis un moment, bloqué au stade de pré-production, mais les révélations de nos confrères de Kotaku nous donnent enfin des raisons quant à cette avancée compliquée.

Kotaku s’est donc entretenu avec 12 employés d’Undead Labs qui ont souhaité rester anonymes pour ne pas compromettre leur carrière dans l’industrie du jeu vidéo. Malgré certains aspects positifs du studio remontés par les employés, la culture interne s’est nettement dégradée depuis le rachat par Microsoft. La firme de Redmond a beau clamer haut et fort son engagement contre le harcèlement et les environnements toxiques dans l’industrie, les employés d’Undead Labs considèrent que l’approche « détachée » de Microsoft a seulement permis aux dysfonctionnements de s’envenimer. Un ancien développeur déclare notamment :

« Nous avions peur qu’ils viennent changer notre culture, mais notre effondrement est venu de l’intérieur, et nous aurions pu utiliser l’aide de Microsoft. »

Kotaku a contacté le service Relation Presse de Microsoft, mais les retours n’ont pas été spécialement concluants. La firme de Redmond est restée évasive en transmettant des chiffres, des statistiques et une déclaration au nom de Matt Booty, responsable de Xbox Game Studios :

« Chaque studio Xbox reçoit les ressources et les conseils dont il a besoin pour se développer à la fois en termes de capacités et de culture. La forme que prend ce soutien varie d’un studio à l’autre, mais chacun a un lien direct avec les ressources RH de Microsoft en dehors de son équipe, et la possibilité de travailler avec d’autres studios et équipes partenaires pour tirer parti de leur expertise. En outre, tous les employés de Microsoft, y compris les équipes de nos studios, sont tenus de suivre régulièrement nos formations sur les normes de conduite professionnelle, qui couvrent des sujets tels que le harcèlement, le code de conduite des fournisseurs, etc. Au cours des dernières années, Undead Labs a connu un certain nombre de changements positifs et nous sommes confiants dans la direction que l’équipe prend pour State of Decay 3, l’un de nos jeux en monde ouvert les plus ambitieux en développement. »

Un porte-parole de Microsoft déclare notamment qu’« une équipe de direction entièrement nouvelle » a été mise en place avec des recrutements diversifiés en 2021, dont 42 % de femmes ou de personnes non binaires et 29 % de personnes issues d’une minorité raciale ou ethnique. De plus, 84 % des personnes interrogées recommanderaient Undead Labs comme entreprise dans laquelle il ferait bon vivre. Cependant, ces statistiques transmises par Microsoft ne représentent pas le cœur du souci et son entièreté selon les employés d’Undead Labs.

« La culture du studio jusqu’à récemment n’était pas la plus accueillante pour quiconque n’était pas un homme blanc cishet. Cela s’est amélioré au cours des six derniers mois environ. Mais le studio a embauché beaucoup de talents diversifiés qu’il ne soutenait pas suffisamment par le passé. »

Sexisme ambiant et pression permanente chez Undead Labs

Jusqu’à son départ, Jeff Strain, fondateur du studio et de State of Decay, était défini comme un personnage central capable de rassembler les troupes et faire venir des talents de tous horizons pour mener à bien son projet. Après le succès du premier opus, c’est State of Decay 2 qui est lancé en 2018, suivi de l’annonce surprise du rachat par Microsoft. Jeff Strain avait toujours clamé son souhait de rester indépendant et cet accord a pris tout le monde au dépourvu.

Cette intégration au sein des Xbox Game Studios a changé l’organisation globale des équipes et les méthodes de travail chez Undead Studios. Microsoft voulait faire de State of Decay un titre central du catalogue Xbox, notamment à travers le Game Pass. Un ancien développeur déclare notamment :

« Tous les deux mois, après une étape importante, les équipes étaient complètement brisées et mélangées dans de nouvelles équipes. Il n’y avait donc aucune cohérence concernant qui se chargeait de quel système. »

Un autre développeur rajoute :

« Ce qui se passait au quotidien chez Undead Labs, c’était la version plus discrète de la mort par mille coupures de papier du sexisme. Le service d’assurance qualité travaillait d’arrache-pied, repérait tous nos bugs et essayait de les résoudre, mais les dirigeants ignoraient leurs préoccupations et disaient des choses comme ’ne pas enregistrer les bugs multijoueur’ dans le but de montrer des progrès artificiels sur State of Decay 3. Milestones consistait en un tas de fonctionnalités disjointes qui avaient moins pour but de faire un jeu vidéo amusant que de cocher une liste. »

La place des femmes au sein d’Undead Labs depuis l’intégration au sein des Xbox Game Studios est également très discutable comme nous l’explique un développeur interrogé par Kotaku :

« Lorsque j’ai passé mon entretien Undead Labs, on m’a vendu l’idée d’un studio en transition qui faisait de la diversité, l’équité et l’inclusion une priorité absolue. En réalité, les dirigeants du studio ont peint un visage DEI pour Microsoft, tandis que les femmes étaient constamment ignorées, rejetées, interrompues, ignorées et blâmées. Les opinions des femmes étaient carrément rejetées, même pour des connaissances extrêmement basiques en matière de code ou de jeux. Personne ne les écoutait, même les femmes occupant des postes de directeur étaient carrément ignorées, on leur parlait par-dessus et on leur reprochait les problèmes. »

Les faits cités ci-dessus ne sont qu’une partie des 12 témoignages récoltés par les journalistes de Kotaku. Le dossier complet revient en détail sur les événements survenus au cours des trois dernières années au sein d’Undead Labs, que ce soit au niveau des agissements, des propos tenus ou bien de leur impact sur le développement de State of Decay 3. Selon d’anciens développeurs, il reste encore beaucoup de travail, l’un d’entre eux déclarait notamment :

« Je tiens à beaucoup des personnes avec qui j’ai travaillé à Undead Labs, et j’espère vraiment que les choses s’amélioreront là-bas. Mais sans aucune responsabilité, rien ne changera ».

Cette affaire a une résonance particulière quant au contexte social actuel et il faudra suivre de près les réactions de Microsoft quant à Undead Labs et à Activision Blizzard. Si la Federal Trade Commission valide le rachat de 68 milliards de dollars du groupe californien, Phil Spencer aura comme mission de réformer totalement les cultures régnant au sein des studios dirigés par Xbox, un défi colossal qu’il se devra de réussir s’il ne veut pas trahir ses engagements. Retrouvez l’ensemble de l’enquête menée par Kotaku dans leur dossier publié hier.

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yo_hansolo

01 avr 2022 @ 14:33

JE viens de lire l’article complet de Kotaku pour faire le parallèle avec votre résumé. De ce que je comprends donc, c’est que déjà avant le rachat de 2018 dans ce studio c’était pas joli joli les pratiques.
Xbox rachète et la seule personne qui faisait le « pont » (Strain) se barre pour laisser une carne égocentrique (Holt).
Selon les pratiques classiques de MS Xbox, les studios restent libres en tout. Xbox ne met pas son nez dans leur axe de dev mais en revanche il faut qu’ils suivent les directives de l’entreprise. Ce qui n’a pas été fait ici ; et surtout ce qui a été caché très longtemps en fait.

Comme indiqué, c’est le studios lui même qui a implosé de ses pratiques et les employés qui n’ont pas utilisés les ressources de Microsoft. On ne peut pas forcément au départ blâmer Microsoft de ne pas contrôler tout et n’importe quoi si personne n’alerte du mal être.
Au départ seulement attention. Parce qu’ensuite il y a eu semble-t-il des remontées récemment. Et là il y a responsabilité. Car quand des dizaines d’employés démissionnent, des femmes et LGBTQI+, BIPOQ, etc surtout, qu’il y a aussi des alertes RH et que le seul changement c’est de mettre des nouveau employés juniors. C’est pas trop le truc que j’imagine en réaction.

Car à lire le tout, le problème est sous la houlette de Holt qui a mis ses potes néfastes pour remplacer d’abord des femmes qui avaient les mêmes postes ou les mêmes fonctions. Ensuite les discours miso c’est la troisième lame du gilette pour faire craquer. D’autant que certaines phrases laissent à penser que Holt aurait utiliser des ressources de Microsoft dans ses propres intérets pour ouvrir des succursales de développement n’ayant rien à voir avec UndeadLabs ?!

Bref, l’affaire est ultra louche et j’attends de la fermeté de la part de MS. Parce qu’au final, le jeu attendu qui s’appelle State of Decay 3 (au passage ce jeu je m’en carre), il est à priori même pas commencé !

Dhusara

01 avr 2022 @ 15:05

Je ne vais parler que de l’aspect JV : Pour moi cette article confirme encore une fois qu’il y a un énorme problème chez Xbox Game Studios. Les news s’accumulent et on voit qu’il y a des difficultés qui sont souvent les mêmes (pas de vision créatives, studios pas compétent, manque d’encadrement). Un bon éditeur ce n’est pas une boite qui laisse toute la liberté à un studio. Un bon éditeur c’est une boite qui a un process extrêmement pointu, ou rien n’est laissé au hasard. Un éditeur qui demande des builds des jeux régulièrement pour faire des demandes de correction/changement. Qui est capable de cerner les compétences et les limites d’un studio, et d’être capable de taper du poing sur la table quand la situation le nécessite.

Nintendo, Sony ou Rockstar (l’ère Xbox/Xbox 360) sont emblématiques de ces éditeurs pointilleux et perfectionniste.

Basterd

01 avr 2022 @ 15:25

Y a un studio Xbox ou ça se passe bien ??

LoveTartiflette

01 avr 2022 @ 15:52

Oui, mais en parler ne fait pas d’audience.

Ce qui se passe chez Undead Labs, (et tout reste à prouver, parce que si c’est une minorité qui se plaint ça n’ira pas beaucoup plus loin qu’une « enquête » d’un mag de jeux vidéo comme Kotaku qui traine lui aussi quelques casseroles), Quantic dream, Acti/Blizz, Ubisoft etc...etc....ça se passe de manière générale dans la plupart des boites tech numériques. Ce n’est pas le premier, et malheureusement certainement pas le dernier.

Après tout le lobbying des assos en tout genre à chouiner pour imposer la diversité, non seulement rien n’a changer, mais en plus c’est de pire en pire....

Vive les jeux vidéo :-/