Difficile d’imaginer un monde où l’on pourrait penser à la Xbox One sans avoir Quantum Break dans un coin de la tête. Et pour cause : le nouveau titre de Remedy, les papas de Max Payne et Alan Wake, a été dévoilé en même temps que la console américaine. Annoncé comme un projet trans-media ambitieux mélangeant jeu et série télévisée, le brouillard englobant cette audacieuse association ne s’est jamais réellement dissipé. Il a fallu attendre de poser les mains sur le jeu pour réellement s’en rendre compte.
“Le temps est un oeuf…”
Qu’il est compliqué d’expliquer les bases du scénario de Quantum Break tant celui-ci occupe une place prépondérante dans le jeu. Faisons court pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte (si vous ne voulez vraiment absolument rien savoir, rendez-vous au paragraphe suivant) : notre héros, Jack Joyce, rend visite à son ami d’enfance, Paul Serene, qui nous annonce avoir construit une machine permettant de voyager dans le temps. Qui ne serait pas excité à l’idée d’essayer son invention. C’est ainsi que notre ami Paul s’en va vers le futur et que tout commence à partir en vrille. En effet, dans notre présent à nous, le temps commence à s’effondrer. Il faut comprendre par là que, de temps à autre, le temps s’interrompt. Seul Jack Joyce n’est pas affecté car les radiations qu’a émises la machine semblent le protéger et lui donner certains pouvoirs. C’est précisément à ce moment que tout se complique puisque Monarch, une entreprise tentaculaire aux intentions louches et dotée de sa propre force armée fait irruption pour capturer Jack. Et ce n’est que le début des ennuis…
Voilà pour le pitch de base du jeu. J’ai volontairement omis certains points pour laisser le plaisir de la découverte à tout le monde. Il faut bien comprendre que même si Quantum Break penche plus du côté action qu’un Alan Wake, la mise en scène et l’aspect scénaristique restent tout de même la plus belle corde de son arc. Du côté de la réalisation, on peut d’ailleurs dire que Remedy met la barre très haut tant l’impression de se retrouver plongé dans un show télévisé est réussie. Le rythme est géré à la façon d’une série télévisée et ce n’est pas pour nous déplaire. Attention, on parle bien ici du jeu et non de ces interludes en live action sur lesquels je reviendrai plus tard.
Pour donner un avis plus tranché sur le scénario, je dirais que Quantum Break réalise une partition de très haute volée pendant la majeure partie du jeu. Les enjeux sont clairs, bien définis et dramatiques si l’on ne parvient pas à sauver la situation. Les personnages sont très bien écrits et on arrive à s’y attacher de manière assez étonnante pour un jeu de moins de dix heures. Qu’il est dur de parler de mes regrets concernant l’écriture du soft sans dévoiler un morceau de scénario, retenez juste qu’on a affaire a un “oubli” scénaristique assez frustrant , tant l’évènement en question aurait pu être cool mais n’arrive jamais, ainsi qu’un manque d’explications assez dingue sur le “pourquoi du comment” de la résolution de l’intrigue. C’est d’autant plus étonnant que 90% du jeu ont été racontés de manière magistrale. Des coupes nécessaires pour ne pas repousser à nouveau le jeu ? Cela ne serait guère étonnant malheureusement…
“... et cet oeuf est cassé…”
Principale source d’interrogation, la côté trans-media de Quantum Break est en fait une des très bonnes surprises que nous a réservées le jeu. Pour bien assimiler le fonctionnement il faut comprendre comment se compose le jeu. Celui-ci se découpe en actes qui sont eux-mêmes découpés en chapitres. Après une succession de chapitres à s’amuser avec Jack Joyce, le jeu nous plonge dans la peau de l’antagoniste n°1 du jeu dans une mission Jonction. Dans cette Jonction, il faut prendre une décision qui influera directement sur l’épisode de série arrivant juste après et, dans une moindre mesure, sur le jeu. Il y a donc plusieurs versions de chaque épisode du live action show qui possède, soit dit en passant, un casting de folie : Shawn Ashmore (X-Men), Aiden Gillen (Game of Thrones), Dominic Monaghan (Lost / Le Seigneur des Anneaux) ou encore Lance Reddick (Fringe) prennent place dans notre console et livrent une prestation de bonne qualité.
- Qu’il soit dans X-Men ou Quantum Break, Shawn Ashmore possède toujours des pouvoirs. Coïncidence ? Je ne pense pas...
Si les choix réalisés dans les jonctions ont un plus gros impact sur la série que sur le jeu, cela est en partie dû au fait qu’on suit des personnages complètement différents lors de ces deux phases. D’un côté, on jouera Jack Joyce tandis que, de l’autre, on regardera Liam Burke, agent de sécurité de Monarch. Les deux formats nous font donc vivre deux histoires en parallèle avec un goût de “pendant ce temps là” qui n’est pas du tout désagréable tant cela ajoute une tension dramatique supplémentaire entre les différents protagonistes du jeu.
Il est bon de noter que si le jeu ne dépasse pas les 8 ou 9 heures de durée de vie, tous ces choix permettent une très bonne rejouabilité. La dénouement final restera, certes, toujours le même mais le chemin pour y parvenir sera, lui, bien différent pendant la série, et plus dans le détail pendant les phases de jeu.
“... on a cassé l’oeuf du temps mec !”
Soyons honnêtes, j’étais assez frileux quant aux sensations que procurerait Quantum Break manette en main une fois plongé en pleine fusillade. Quelle a donc été ma surprise lors du premier coup de feu tiré : un soulagement. On a évité le syndrome “TPS - pistolet à billes” : les tirs ont un réel impact, surtout pour les armes semi-automatiques. La ballistique aussi est réussie, quand un tir doit toucher, il touche. Point. En revanche, on peut reprocher à Remedy d’avoir opté pour un système de couverture automatique. Que le personnage s’abaisse automatiquement lorsqu’il arrive prêt d’une couverture, ce n’est pas un problème. En revanche, c’est très dérangeant lorsqu’on veut commencer à ouvrir le feu par le côté d’un abri et que notre avatar sort de sa cachette automatiquement sans aucune résistance. C’est d’ailleurs un réflexe qu’on apprend à perdre au fur et à mesure du jeu : la couverture ne sert plus à se battre mais à se cacher uniquement. Les affrontements n’en sont que plus dynamiques pour dire vrai puisqu’il faudra être, la plupart du temps, en mouvement.
Comme dit précédemment, Jack Joyce a été touché par la machine à voyager dans le temps de son ami et c’est ainsi qu’il a reçu certains pouvoirs parmi lesquels la possibilité de figer un ennemi dans une stase temporelle, d’effectuer un dash, d’arrêter le temps autour de lui pour se protéger des projectiles ou encore de faire revenir certains objets dans le temps pour ne citer que les pouvoirs de base. Vous aurez compris qu’on en débloque donc d’autres au fil de l’aventure et bien heureusement car si les ennemis classiques n’opposeront pas trop de résistance, des ennemis plus avancés ne pourront pas être affectés par un arrêt du temps et il faudra donc trouver un autre moyen de s’en défaire. Et autant dire qu’il vaut mieux éviter de mourir car les temps de chargement sont aléatoirement longs lors de retry. Le dynamisme des combats n’en est qu’avantagé et, même si Quantum Break ne va pas à mille à l’heure, on peut remercier les créateurs du jeu de nous avoir épargné un TPS statique ultra classique comme on en a trop vu.
Les pouvoirs de Jack nous offrent, en plus d’une diversification efficace du gameplay, des effets spéciaux de toute beauté. Voir une stase criblée de balles s’effondrer et exploser pour la première fois fait un petit quelque chose. Que dire alors de toute cette vie qui, d’un coup d’un seul, peut se retrouver figée dans le temps telle une oeuvre d’art grandeur nature. Se promener au milieu des ennemis (ou pas d’ailleurs) semblant être pris dans la glace au beau milieu d’une rixe est toujours un régal du début à la fin du jeu.
Si les effets spéciaux sont indéniablement parmi les meilleurs qu’il m’ait été donné de voir, il est difficile d’être entièrement bluffé par le rendu général du jeu. Attention, le jeu affiche tout de même un rendu très satisfaisant et agréable cependant quelques problèmes viennent ternir le tableau. Premièrement, pour des raisons techniques et/ou artistiques, il y a une vibration temporelle assez étrange lorsqu’on déplace la caméra ce qui a pour effet d’engendrer un léger flou sur les contours. Deuxièmement, il n’est pas rare, au début d’un chapitre, de voir un temps de chargement arriver au beau milieu d’une cut-scene. C’est d’autant plus inattendu que le dialogue se poursuit pendant que la scène se charge. Et pour terminer, si les visages des différents protagonistes sont admirablement modélisés lors des cut-scenes, tous ne sont pas logés à la même enseigne lorsqu’on reprend la main sur le jeu. Pour ne rien arranger, le doublage français, sans être mauvais, souffre, pour l’instant, d’un gros problème de synchronisation labiale. Heureusement, il est possible de changer la langue du jeu ainsi que des sous-titres de manière totalement indépendante dans les options du jeu. Pour un jeu misant autant sur l’ambiance “série”, c’est un beau cadeau que Remedy nous fait là.