Elle était belle, gracile, presque féline. Ses cheveux de jais dansaient sur sa nuque et, elle, semblait voler tel un zéphyr entre les toits de sa blanche cité. Voler est le mot tant elle ne semblait à aucun moment éprouver une quelconque difficulté à enjamber les corniches, glisser sous les conduits d’aération, traverser les grillages de sécurité et se moquer de l’écart vertigineux qui séparait deux tours de bureaux. Elle était la définition la plus pure du mot liberté, l’ange de la ville blanche, elle était Faith. Je pourrais prétendre le contraire, mais les mots que j’ai laissé tomber sur mon clavier me trahiraient, j’étais amoureux et je le suis encore. Je l’aime malgré ses défauts, malgré ses imperfections, malgré sa naïveté et le côté candide, un peu immature de ses combats. Retomber dans ses bras, sept ans après l’avoir quittée semblait inespéré et m’effrayait au plus haut point. Allais-je porter sur elle ce même regard transit ou serais-je moins enclin à lui pardonner ses défauts ?
Alors ça pulse ?
Pas vraiment en fait. Mirror’s Edge m’avait à l’époque charmé et pas seulement à cause de son énigmatique personnage principal mais plutôt par sa relative fraîcheur et l’originalité de son gameplay et de son esthétisme. Un jeu basé sur le parkour, ce déplacement urbain fluide qui joue avec les obstacles, les hauteurs et le risque mais aussi sur une direction artistique tranchée où tout se jouait dans les contrastes et les couleurs saturées. Le blanc immaculé des murs de la ville tranchait avec le jaune pétard de certains éléments du mobilier urbain ou le rouge vif des éléments clés du parkour que l’on devait suivre. Le gameplay était aussi jouissif que difficile à maîtriser, ce qui permettait à force d’entraînement de glaner de précieuses secondes sur une course lors d’un double appui sur un mur suivi d’un retournement rapide tout en maîtrise. Le principal problème de Mirror’s Edge premier du nom ne venait pas de ces deux éléments mais plutôt de la désagréable impression qu’ils ont totalement pris de cours les développeurs de DICE lorsqu’il a fallu les contextualiser pour les besoins du jeu. En effet, l’histoire, la narration et l’univers même du jeu se trouvaient plombés par une absence totale d’âme, de charisme voire tout simplement de maîtrise. Un flou horrible et un point immense pour un jeu déjà difficile à cerner et à appréhender pour pas mal de joueurs. On attendait avec ce second opus un travail au moins aussi léché et DICE se devait de parvenir à donner cette âme qui faisait cruellement défaut à Faith et à son univers.
Et c’est malheureusement un échec. Je sais j’ôte là tout suspense mais autant introduire la longue litanie qui va suivre par sa conclusion téléphonée. DICE a certes fait d’énormes efforts, déjà en optant pour le principe de la préquelle, c’est à dire balayer d’un revers de main la nullité scénaristique de l’opus précédent, s’en affranchir totalement afin de proposer une sorte de nouveau départ pour Faith et lui inventer un passé, lui donner du corps, une âme. Faith sort de prison et reprend ses activités illégales au sein des messagers et se trouve embarquée malgré elle dans un complot mondial qui trouvera ses graines dans le passé mouvementé de la jeune femme. On oublie très rapidement les intermèdes faits en flash pour des images de synthèses très jolies. On ne subit plus les avancées de l’histoire visuellement mais dans le fond, l’intrigue reste désespérément creuse et mal amenée. Elle peine à intéresser, à passionner et ceci est dû en grande partie à des dialogues insipides, et même assez risibles. De plus la version française semble peu inspirée, Faith lance des “ça pulse ?” à tout bout de champ et les acteurs ont du mal à trouver le ton juste la faute à des personnages caricaturaux au possible. La non possibilité de choisir la VOST est sûrement préjudiciable à Mirror’s Edge Catalyst. Mais la version française n’est pas la seule à mettre en cause de cette lourdeur. Les différents protagonistes ressemblent tous à d’anciens danseurs de tecktonik au pire, à des rebelles du dimanche au mieux. L’histoire n’arrive pas à avoir autant de charisme et de charme que Faith. Le joueur essaye vainement de trouver une aspérité à laquelle se raccrocher et la plus grande d’entre elles, la plus belle de prime abord, est la ville de GLASS.
Glass porte bien son nom
Une des grosses nouveautés de Mirror’s Edge Catalyst, si ce n’est la principale est de proposer un gigantesque monde ouvert et un terrain de jeu aussi plaisant à parcourir que somptueux à admirer. Un paradis pour les montes en l’air de toute sorte, amateur de points de vue vertigineux, car aussi ouvert soit-il cet espace n’est principalement situé qu’au niveau des toits de la cité. Faith est une messagère, et son royaume est dans les cieux, au niveau des nuages et des terrasses de la cité blanche. On s’étonne à s’arrêter souvent pour prendre des captures d’écran des points de vue offerts par le jeu, on s’extasie parfois et on est globalement surpris par la variété des lieux que l’on traverse au sein de cette unique cité : port, chantier, quartier de villégiature, bureaux et même les égouts, tout est fait avec soin, tout est presque beau, pur mais désespérément vide.
Ce que DICE réussit avec l’architecture intrinsèque de la ville, il échoue de la même façon à lui donner une âme, un corps. Cette mégalopole, enfermée dans une dictature productiviste, que l’on doit sentir fourmilier sous les pas de Faith, ressemble plus à une ville fantôme qu’à autre chose. On a beau arrêter la Messagère au bord d’une corniche, lui faire regarder les gigantesques axes routiers qu’elle surplombe, tout est vide. A croire que le jeu se passe tout le temps un dimanche d’août dans une ville non touristique. On a beau traverser, au gré des missions, des bureaux, des appartements, des bars, tout y est désespérément vide, sans vie. Lorsque le scénario nous laisse spectateur d’un terrible attentat qui détruit la moitié d’un immeuble, on n’en arrive à ne rien éprouver et même à ne pas penser une seule seconde qu’il pourrait y avoir des habitants, des « bosseurs » dedans. Cette ville, aussi belle et agréable à traverser, n’arrive jamais à aller au-delà de son simple statut d’aire de jeu pour atteindre celui de personnage à part entière et c’est surtout cela, bien plus que l’histoire et la narration de l’ensemble qui porte préjudice à Mirror’s Edge Catalyst.
Glass a beau être vide du moindre habitant, elle ne l’est toutefois pas de choses à faire ou en objets à collecter pour Faith. Outre les missions de la quête principale, 15 pour être précis, on peut se laisser aller à une multitude de petites tâches ou d’activités secondaires comme les traditionnelles courses, les missions de diversion où l’on devra survivre le plus longtemps possible aux troupes KrugerSec, les livraisons secrètes et j’en passe. D’ailleurs, les courses et les livraisons profitent pleinement du monde ouvert. On peut à loisir créer son propre défi et le proposer à ses amis ou à d’autres joueurs. Cet aspect en ligne est assez plaisant. Le chemin indiqué par défaut lors des courses n’est que très rarement le plus rapide pour arriver à destination, on prend un malin plaisir à tenter de nouvelles approches, des routes alternatives afin d’améliorer sa course ou simplement parvenir à atteindre le but dans le temps imparti. J’ai une faiblesse toute particulière pour les missions de piratage des affiches. Afin d’apposer son logo sur ces dernières, on devra bien analyser l’environnement et trouver comment les atteindre et ce sans aucune indication, une sorte de puzzle adapté au gameplay bien particulier de Mirror’s Edge.
Encore 150 points d’XP pour la roulade
Toutes ses missions et ses menues activités, en plus de celles de l’histoire principale, rapporteront à Faith des points d’expérience. Et oui, la Messagère ne dispose pas dès le début du jeu de toutes ses capacités. On doit attendre soit de les débloquer au fur et à mesure de son avancée dans l’intrigue de Catalyst, soit en utilisant des points acquis à chaque montée de niveau. Certaines facultés primordiales comme la roulade, le retournement rapide sur un mur nécessiteront un gain substantiel d’XP, ce qui rend certaines courses impossibles à réaliser dans les temps. Un changement radical plus déroutant qu’autre chose, tous les jeux ou presque optant maintenant pour ce principe de compétences. Ce système permet en outre de limiter le monde ouvert de façon à ce que certaines zones puissent être accessibles via de nouvelles capacités. Faith doit répartir les points d’amélioration gagnés en trois catégories, le Déplacement qui facilitera grandement sa maîtrise du parkour mais surtout sa Tenue et le Combat. Car oui, DICE a sans doute péché par orgueil et s’est dit qu’il était nécessaire de transformer Faith en machine à donner des bourres pifs ou des coups de sandalette dans la carotide. Bien mal leur en a pris car ces derniers s’insèrent toujours aussi mal dans l’univers et la philosophie du jeu, et leur donner plus d’importance c’est mettre le doigt là où ça fait mal.
Les combats sont toujours aussi mal fichus, tant soit au niveau de leur gameplay qu’au niveau de leur mise en scène, voir Faith mettre au sol une dizaine de gardes armés dotés d’une IA de poisson rouge très facilement est déroutant et surtout hors de propos. Pour donner de la teneur aux combats, DICE a transformé Faith en char d’assaut capable de se prendre une cinquantaine de tirs avant de succomber, de plus les agents de KrugerSec souffrent d’une anémie d’animation et de réactivité. Le tout fait de ces séquences une sorte de concentré d’ennui profond et malheureusement, certaines d’entre elles sont obligatoires pour progresser. Les traditionnels combats en arène, où on attend patiemment d’avoir assommé le dernier adversaire avant de pouvoir continuer. Lassant et inutile, il s’agit d’un gros point noir dans le jeu.
La dernière petite nouveauté dans le gameplay est l’arrivée du… grappin ! Et oui, comment faire un jeu à monde ouvert sans grappin de nos jours ? Sauf que dans Mirror’s Edge Catalyst ce n’est pas un grappin mais une Cordemag, la différence n’est pas seulement dans le nom mais surtout dans le fait que l’on ne puisse utiliser ce dernier que dans certains endroits bien particuliers. Il arrive que l’on puisse apercevoir une accroche spéciale de la Cordemag et que l’on se mette à chercher désespérément l’endroit précis où l’on peut l’utiliser car sinon cela ne marche pas ! Suivant l’accroche spéciale, la Cordemag peut balancer Faith d’un endroit à un autre, la tracter sur une hauteur ou casser un obstacle. Cet accessoire brise un peu le rythme du jeu dans le sens où l’on doit vraiment se tenir correctement dans la zone, assez réduite, d’activation. Une fausse bonne idée en quelque sorte…