L’heure est venue pour Microsoft et Activision. Le verdict de la Commission européenne vient tout juste de tomber, et l’organisme européen de régulation de la concurrence approuve le rachat. La Commission estime que les engagements de Microsoft « apporteront des avantages considérables pour la concurrence ».
L’Europe valide le rachat d’Activision, enfin une bonne nouvelle pour Xbox
Même si plusieurs juridictions mondiales se prononcent sur le sujet, trois grosses instances étaient surtout attendues par Microsoft pour lancer le rachat effectif d’Activision Blizzard King.
- La FTC, organisme américain, a désapprouvé le rachat le 8 décembre 2022
- La CMA, organisme britannique, a désapprouvé le rachat le 26 avril 2023
- La CE, organisme européen, a approuvé le rachat le 11 mai 2023
La Commission Européenne estime donc qu’il n’y a pas de risque pour la concurrence à ce que Microsoft s’offre Activision Blizzard King. Dans son argumentaire, l’organisme explique que l’autorisation est subordonnée au respect intégral des engagements proposés par Microsoft. « Ces engagements répondent pleinement aux problèmes de concurrence identifiés par la Commission et représentent une amélioration significative pour les jeux dans le cloud par rapport à la situation actuelle », précise le rapport.
La décision prise aujourd’hui fait suite à une enquête approfondie sur le projet d’acquisition d’Activision par Microsoft. Comme toujours, la Commission a fondé sa décision sur des preuves tangibles et sur les nombreuses informations et réactions des concurrents et des clients, notamment des développeurs et des distributeurs de jeux, ainsi que des plateformes de diffusion de jeux dans le cloud dans l’UE.
L’UE détaille les concessions de Microsoft
Afin de remédier aux problèmes de concurrence soulevés par la Commission sur le marché de la distribution des jeux pour PC et consoles par les services de streaming de jeux en nuage, Microsoft a proposé les engagements globaux suivants en matière de licences, pour une durée de 10 ans :
- Une licence gratuite accordée aux consommateurs de l’EEE (Espace Économique Européen, ndlr), leur permettant de diffuser en streaming, en utilisant le service de streaming de jeux en nuage de leur choix, tous les jeux actuels et futurs d’Activision Blizzard pour PC et pour consoles pour lesquels ils disposent d’une licence ;
- Une licence gratuite correspondante accordée aux fournisseurs de services de streaming de jeux en nuage, afin de permettre aux joueurs basés dans l’EEE de diffuser en streaming tous les jeux d’Activision Blizzard pour PC et pour consoles.
Ces engagements remédient pleinement aux problèmes de concurrence soulevés par la Commission et représentent une nette amélioration pour le streaming de jeux en nuage par rapport à la situation actuelle.
Ils permettront à des millions de consommateurs de l’EEE de diffuser en streaming les jeux d’Activision en utilisant n’importe quel service de jeux en nuage dans l’EEE, à condition que ces jeux soient achetés sur une boutique en ligne ou soient inclus dans un abonnement multi-jeux actif dans l’EEE.
En outre, la disponibilité des jeux populaires d’Activision pour tous les services de streaming de jeux en nuage à des fins de streaming stimulera le développement de cette technologie dynamique dans l’EEE. En fin de compte, les engagements apporteront des avantages considérables pour la concurrence et les consommateurs, en mettant les jeux d’Activision à la disposition de nouvelles plateformes, dont des acteurs de plus petite taille de l’UE, et en les rendant accessibles à plus d’appareils qu’auparavant.
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Compte tenu des réactions du marché, la Commission a conclu que l’acquisition envisagée, telle que modifiée par les engagements, ne poserait plus de problèmes de concurrence et apporterait en fin de compte des avantages considérables pour la concurrence et les consommateurs. La décision de la Commission est subordonnée au respect intégral des engagements contractés. Sous la supervision de la Commission, un mandataire indépendant sera chargé de contrôler leur mise en œuvre.
Brad Smith, président de Microsoft, a réagi à la bonne nouvelle en affirmant que la société allait respecter ses engagements.
La Commission européenne a exigé de Microsoft qu’elle accorde des licences automatiques pour les jeux populaires d’Activision Blizzard aux services de jeux en nuage concurrents. Cette mesure s’appliquera à l’échelle mondiale et permettra à des millions de consommateurs dans le monde entier de jouer à ces jeux sur l’appareil de leur choix.
Que reprochent la FTC et la CMA à Microsoft ?
La FTC a peur que Microsoft ne devienne trop puissant sur le marché des consoless
Aux États-Unis, Microsoft a déjà annoncé qu’il irait jusqu’au bout, quitte à se défendre devant un tribunal fédéral pour montrer qu’il n’y a pas de risque pour la concurrence avec ce rachat. Les objections de la FTC portent sur un risque que Microsoft ne devienne trop puissant avec ce rachat.
L’agence a indiqué que le fabricant de la Xbox obtiendrait le contrôle de franchises de jeux vidéo de premier plan, ce qui lui permettrait de nuire à la concurrence dans le secteur des consoles de jeux à haute performance et des services d’abonnement en refusant ou en dégradant l’accès de ses rivaux à son contenu populaire.
La CMA craint pour le marché du cloud gaming
Au Royaume-Uni, les arguments sont tout autres. Après investigations, la CMA avait expliqué que la concurrence dans l’univers des consoles n’était pas menacée. Elle admettait que rendre Call of Duty exclusif sur Xbox n’aurait pas de sens pour Microsoft, dans la mesure où cela priverait aussi la société de revenus importants en provenance des ventes et royalties PlayStation.
Dans son argumentaire, la CMA a plutôt évoqué le Cloud comme raison du blocage, en estimant que ce marché à fort potentiel serait fortement perturbé avec la consolidation d’un acteur aussi puissant que celui de Microsoft-Activision-Blizzard-King et leurs multiples franchises à succès. La CMA rappelait que Microsoft représentait déjà, selon les estimations, 60 % à 70 % du marché du Cloud Gaming et possédait d’autres atouts importants dans le domaine du jeu vidéo, tels que ses consoles Xbox, l’OS Windows et sa plateforme Azure.
Que va-t-il se passer ensuite ?
Avec cet accord de l’Europe pour poursuivre l’opération, Microsoft se dote aujourd’hui d’un atout assez considérable pour la suite de ses actions. Avec un blocage de la part des États-Unis et du Royaume-Uni, la société est clairement en difficulté, mais tout n’est pas encore perdu pour Microsoft, et la nouvelle d’aujourd’hui lui permettra d’avancer de nouveaux arguments en faveur du rachat.
Microsoft compte aller jusqu’au tribunal pour se défendre aux USA, et lance un appel de la décision de la CMA au Royaume-Uni. Sur ce dernier point, nous avons d’ailleurs appris que Microsoft et Activision-Blizzard avaient loué les services de Lord David Pannick, un avocat ayant notamment officié pour la reine Elizabeth II, le premier ministre Boris Johnson, l’ancien directeur général de la BBC Mark Thompson, ou encore le club de football de Manchester City. Cet avocat spécialiste des gros dossiers est clairement un atout pour Microsoft.
Lorsque l’on regarde les arguments de la FTC et de la CMA, ainsi que les propositions faites par Microsoft pour élargir le marché avec ce rachat, il apparait assez clair que l’entreprise américaine a des chances de remporter quelques batailles juridiques.
Comme détaillé sur Xboxygen récemment, plusieurs experts se sont prononcés sur le sujet et deux d’entre eux estiment que l’appel de Microsoft envers la décision de la CMA a peu de chance d’aboutir. Les avocats de Microsoft devront alors trouver une erreur de procédure dans le processus d’examen de la CMA ou prouver que la CMA a agi de manière « irrationnelle ». Microsoft pourra sans doute aller plus loin, mais tout cela coûte de l’argent et du temps, en plus de ralentir les opérations courantes de l’entreprise.
Selon DFC Intelligence, la question est de savoir jusqu’où Microsoft est prêt à faire des compromis pour que l’accord soit approuvé. DFC pense désormais que la CMA pourrait exiger de Microsoft qu’elle offre plus que ce qu’elle est prête à donner. « Il y a un risque croissant que Microsoft renonce au rachat ».
Si Microsoft juge être allé suffisamment loin sans réussir à convaincre davantage, la société pourrait alors abandonner le rachat et se pencher sur d’autres acquisitions pour continuer sa quête de jeux exclusifs pour fournir son catalogue, et notamment l’abonnement Xbox Game Pass.