Comment crée-t-on une OST de jeu vidéo ? Entretien exclusif avec Paul Darbot (Nocturnal)

«Une OST flamboyante» le 7 juin 2023 @ 20:002023-06-08T18:16:37+02:00" - 2 réaction(s)

À l’occasion de la sortie de Nocturnal le 7 juin 2023 sur Xbox Series X|S, PlayStation 5 et PC, nous avons eu l’opportunité de rencontrer Paul Darbot, compositeur principal de Nocturnal. Celui-ci nous donne un aperçu exclusif de l’envers du décor pour tout comprendre du processus de création d’une OST pour un jeu indé. Entre explications techniques sur les outils utilisés, impact des influences musicales et méthodes d’inspirations pour retranscrire virtuellement une émotion, Paul nous partage généreusement sa passion.

Dans un océan de jeux indés tous aussi prometteurs les uns que les autres, Nocturnal nous fait découvrir l’histoire d’Ardeshir lors de son retour sur son île natale recouverte d’une brume mystérieuse pour découvrir qui est advenu de son peuple. La mécanique de cet action-platformer en 2D repose sur l’utilisation d’une épée que l’on enflamme pour venir à bout des pénombres, des ennemis et des secrets de l’île.

XBOXYGEN : Peux-tu te présenter ? Parcours, inspirations, outils pour bosser, etc.

  • Ton parcours avant Nocturnal, que ce soit dans le sound design ou pas.
  • Tes inspirations musicales de manière générale, pas spécifiquement pour le jeu.
  • Les instruments dont tu joues et les outils de MAO que tu maîtrises.

PAUL :

Je m’appelle Paul Darbot, je suis compositeur indépendant depuis 2017 et crédité comme compositeur principal sur Nocturnal.

J’ai une formation musicale plutôt orientée scène et live-musique, faite à l’école Tous en scène (37) et je me suis formé en autodidacte à la MAO, la musique orchestrale et la musique à l’image. J’ai commencé en Touraine à faire mes armes chez Les Compères Production et j’ai plus tard décroché des missions à Brassart qui m’ont permis d’étoffer mes compétences.

NDLR : La musique à l’image accentue et renforce l’impact de la production audiovisuelle et en augmente la composante émotionnelle et expressive

Au niveau de mes inspirations hors projet Nocturnal, on retrouve :

  • Erich Korngold (Robin des Bois)
  • John Barry (James Bond, Out of Africa)
  • Michael Kamen (Die Hard, James Bond)
  • Danny Elfman
  • John Williams
  • Christopher Larkin (Hollow Knight)

Pour composer, j’utilise le logiciel Reaper et Kontakt ou Engine en guise de banques de sons. Pour ceux que cela intéresse, j’utilise aussi Cinematicstudio Series et Evolutions Series (boîtes australiennes), In Session Audio, Musical Sampling (des instruments solos principalement) ou bien Audio Imperia.

XBOXYGEN : Peux-tu décrire ton rôle dans Nocturnal ? Te concentres-tu seulement sur la musique ? les bruitages ? les dialogues ? tout à la fois ?

PAUL :

Concrètement, le travail de mon côté est divisé en 90 % de bande-son, et 10 % de sound design ici et là.

Je m’occupe de toutes les maquettes musicales de la bande-son. Tout ce qui passe en arrière-plan. Le sound-design se fait en interne dans l’équipe de SunnySide Games et c’est donc eux qui s’occupent des sons assez simples, et pourtant essentiels (ceux que l’on entend le plus) comme les coups d’épée, les bruits de pas, les éléments spécifiques comme les cris de boss, etc.

En effet, moi je leur propose des alternatives ici et là s’ils désirent un autre bruit d’épée en feu. Après, ils décident de ce qu’ils veulent garder ou pas. Pour le sound-design, j’ai par exemple enregistré les faux bruitages de dialogues de mon côté.

XBOXYGEN : As-tu tout composé de base, ou repris le travail de quelqu’un avant toi ? Peux-tu nous expliquer comment cela se décide au sein de l’équipe, l’attribution du rôle ?

PAUL :

J’ai composé la totalité des thèmes et des arrangements à l’exception du morceau de fin du jeu (Farewell) où je suis arrangeur dessus. Ce morceau a été créé par Julien Sonderegger, le frère de Gabriel Sonderegger, le Lead Designer du jeu. Bien avant mon arrivée, Julien avait fait quelques propositions pour habiller des scènes. Après écoute, on a décidé de plutôt partir sur mes idées pour la majeure partie du jeu. Malgré tout, en écoutant la compo de fin, on s’est tous dit que c’était vraiment cool et on a demandé à Julien si on pouvait la reprendre et que je l’arrange à ma façon pour la cohérence des titres. C’est techniquement le seul morceau où je suis parti du travail d’autrui.

Pour ce qui est de ma rencontre avec Sunnyside Games, je connaissais une personne de Dear Villagers et comme il me savait compositeur, il m’a contacté. J’ai envoyé une démo, ça leur a plu et voilà comment j’ai obtenu le job.

XBOYGEN : Maintenant que tu as ce rôle, comment tu te lances ? Documentation ? Recherche sur l’environnement avec les consignes des développeurs ou des auteurs ? Avais-tu une liberté totale ? Avais-tu des consignes du type « Il nous faut une musique quand tu tombes sur un ennemi, une autre quand tu découvres tel niveau, une pour ce boss précis, etc.

PAUL :

Tout d’abord, il faut préciser que c’est le premier jeu de ce type de l’équipe. Leur œuvre précédente s’appelle TOWAGA (jeu de combat) et il n’y avait pas ce côté scrolling (défilement) des décors et ambiances. Là, dans Nocturnal, on peut se balader comme dans un jeu d’aventure en 2D à l’ancienne, mais cela implique des moments de calme, de rencontres, des variétés de décors, etc.

Des choses qui se ressentent plus qu’elles s’entendent.

Le brief a été simple : liberté quasi totale pour la composition. Leur avertissement principal reposait sur le besoin que ça ne fasse pas Prince of Persia malgré un personnage un poil similaire. L’objectif était d’éviter de tomber dans le pathos de la musique trop typée arabisante et orientale avec l’omniprésence du mode mineur harmonique. Comme ils m’ont suggéré de faire à ma guise, j’ai opté pour un côté plus orchestre occidental en y insérant des instruments moyen-orientaux. C’est ainsi que l’on retrouve des compositions très orchestrales, mais nuancées par des instruments comme le duduk (instrument arménien de type hautbois qui va dans les tons assez bas). Je l’ai beaucoup utilisé pour définir l’identité sonore et la trame générale des titres. Je ne l’ai pas utilisé comme on le ferait traditionnellement, mais plutôt pour la couleur qu’il donnait aux compositions. C’est cet instrument que l’on entend dans le thème principal et qui incarne Ardeshir, le protagoniste. Autrement, il y avait aussi des besoins spécifiques comme différentes ambiances selon les niveaux. En gros, des choses qui se ressentent plus qu’elles s’entendent vraiment.

Moi, j’adore faire des nappes sonores, des textures. Les musiques du monde, c’est ma passion. Quand on m’a dit que j’allais être rémunéré pour faire des recherches là-dessus et chercher des moyens d’intégrer des sonorités exotiques ou moyen-orientales aux compositions, j’étais aux anges. C’est comme donner à un enfant un accès à un bac à sable géant. Globalement, l’une des grosses difficultés dans tout ça est qu’il faille composer des boucles assez courtes, chose point aisée pour éviter la redondance. Puis lorsque l’on passe aux musiques de combat, il faut trouver le moyen de galvaniser le joueur le plus rapidement possible en chargeant les morceaux avec plus d’instrumentations.

XBOXYGEN : Pour les bruitages des coups d’épée en feu, les bruits de pots, les crépitements, la pluie, etc. ça marche comment ? Tu enregistres plein de wav séparés et ils se débrouillent avec  ? Tu dois capter des sons ailleurs que sur des banques gratuites numériques ? Dis-nous tout !

PAUL :

Promis, j’achète tout ce que j’utilise pour éviter les problèmes de droits. Utiliser des trucs gratuits peut parfois entraîner de potentiels soucis. Comme on l’a précisé précédemment, je suis donc chargé de la composition originale, et pas trop du sound design. Cependant, une chose est sûre : autant la musique est régie par des règles strictes, autant le sound design, c’est le Far West. Tous les bruits du jeu et l’implémentation audio sont concrètement faits en interne.

Comme on utilise des logiciels dédiés spécifiquement à l’implémentation, le technicien m’a informé de toutes les consignes pour le format d’envoi des compositions. Voici un exemple qui peut peut-être aider à imaginer comment ça marche :

Lorsque le joueur est dans une zone d’exploration, la musique principale est une boucle qui tourne et celle-ci va avoir ou non des couches qui vont se rajouter par-dessus automatiquement grâce aux logiciels. Lors de la composition d’une boucle, on la conçoit de façon à pouvoir ajouter ou soustraire des boucles d’intensité. Quand on rencontre un ennemi, le moteur Unity envoie un message au logiciel audio FMOD pour accroître l’intensité de la boucle et ainsi, on passe de une à deux couches qui tournent. Autre exemple, quand un ennemi apparaît, un volume monte automatiquement sur FMOD et la partie percussive prend de l’ampleur progressivement, de façon à habiller ou déshabiller une boucle sans jamais l’interrompre et sortir le joueur de l’immersion. Le logiciel permet ainsi de dynamiser le rendu audio selon des marqueurs apposés ici et là et c’est lui qui va ainsi régir les volumes et les intensités.

La différence avec une musique de film est que cette dernière est synchronisée. Elle respecte un tempo fixe et trace son chemin, peu importe si le spectateur a pu tout capter ou pas. Dans le monde du jeu vidéo, si un individu reste à fouiller un environnement pendant deux heures, il faut que la boucle puisse durer autant de temps que nécessaire. C’est le joueur qui décide de la temporalité de la musique dans le jeu.

C’est le joueur qui décide de la temporalité de la musique dans le jeu.

XBOXYGEN : Avais-tu une communication quotidienne avec le reste de l’équipe comme ils sont moins d’une dizaine dessus ?

PAUL :

L’équipe principale est composée de trois personnes, et tout le reste s’est fait en externe. La communication entre nous était constante et on a pu énormément échanger et se faire des retours pour faire avancer le projet. C’est là que j’ai réellement capté l’essence de ce que l’on me demandait, soit le but d’un compositeur de musique à l’image : retranscrire la vision du Lead Game Designer (Gabriel Sonderegger) par la musique. On discutait sur Discord et on ne s’est pas encore rencontré IRL. Mon interlocuteur principal était Arnaud Droxler et Daniel Néphi Muller prenait parfois le relais pour d’autres angles. Conclusion : j’ai pu communiquer aisément avec l’équipe principale.

XBOXYGEN : Quelles sont tes inspirations musicales pour le jeu ? Es-tu un gros consommateur de jeu indés ?

Pour ce qui est de mes inspirations musicales pour le jeu, on retrouve le travail incroyable de Christopher Larkin, le compositeur de Hollow Knight. J’ai fait énormément de recherches sur sa façon d’opérer et de procéder. Sinon, il y a aussi la saga des Tomb Raider pour ce genre de jeu (trouver comment créer une piste sonore capable de communiquer l’esprit de solitude à parcourir des tombeaux plus que le côté peur de la solitude). Enfin, les Uncharted m’ont aussi énormément inspiré pour les compositions des passages un peu épiques ou les combats de boss.

Pour ce qui est de mon avis sur les jeux indés, au risque d’être peu original, j’avoue avoir développé ma fibre avec Hollow Knight. Le pouvoir d’imagination de l’équipe, qui n’avait pas les contraintes habituelles des gros AAA, m’a tout bonnement scotché. Aujourd’hui, la scène indé n’a plus la même saveur et on en vient à se poser des questions quant à l’authenticité d’un jeu indé s’il est soutenu par un éditeur. La magie avec Hollow Knight, c’est que ce jeu représente vraiment le Graal : ce que tout le monde qui fait un jeu indé désire, mais n’arrive pas à obtenir. En vrai, l’idée de sortir un jeu sans éditeur, ça paraît complètement fou. Et pourtant, Hollow Knight est l’exception qui fait rêver et qui a réussi à tirer son épingle du jeu. Hormis celui-ci, Hades ou Dead Cells, rares sont les indés qui font autant de vagues et font pâlir les grosses productions.

XBOXYGEN : Dois-tu faire avec les moyens du bord et un budget fixe ? Du genre, tes violons, tu les prends sur une banque de sons et tu ne peux pas les faire enregistrer par un vrai violoniste dans un studio juste pour ajouter à ta piste audio ? Pareil pour les voix typées chorales ou tout autre chose qui va plus loin qu’une guitare ou un piano que l’on peut tous avoir à disposition chez nous ?

PAUL :

En vrai, si un jour j’ai de nouveau l’occasion de bosser sur un jeu, j’espère de tout cœur pouvoir engager un soliste pour apporter un réel côté organique et authentique aux idées qui me passent par la tête.

Quand tu vois l’omniprésence du duduk dans mes compositions pour Nocturnal, l’instrument signature du jeu, j’aurais adoré avoir un musicien qui en joue à disposition. Dans la catégorie coïncidence qui fait rire jaune, quelques jours après avoir terminé la composition des titres et envoyé mon travail, j’ai vu un concert de musique orientale avec plusieurs joueurs incroyables de duduk… J’étais vert.

Pour allouer des budgets pour solistes et autres musiciens/compositeurs extérieurs, on va calculer la durée de musique dont on a besoin dans un jeu et on paye les intervenants à la minute de musique validée par toute l’équipe. C’est comme ça que l’on peut budgétiser la durée totale, et le prix à la minute pour chaque intervenant. Bien souvent, les studios indés ne peuvent pas se permettre ce genre de dépense. Si l’on reprend le cas de Hollow Knight, il y a seulement un violon alto et une voix, faits par des solistes. Après, moi, ça me suffirait amplement haha.

En effet, les instruments virtuels ont tous leurs limites. Aussi géniaux qu’ils puissent être, ça ne remplacera jamais la qualité d’un vrai instrument. Ce sont les petites imperfections organiques qui intensifient le côté réel d’un titre, qui le font vivre, résonner, qui créent une connexion avec l’auditeur : chose que seul un soliste peut faire. Même si le sampling atteint des sommets aujourd’hui, je dois avouer être plus séduit par le côté un peu crado et pas forcément parfait et lisse de ce genre de production. Reproduire cette authenticité au format numérique est hyper dur. Voici un exemple concret avec la clarinette.

Quand tu achètes une banque de sons de clarinette, 99 % du contenu est dédié et fait selon un contexte orchestral ou symphonique. Mais en se baladant dans la rue, on va parfois croiser un gars qui en joue de façon jazz ou même à l’orientale. Ainsi, l’instrumentiste dépossède un instrument de son rôle « donné » et lui fait faire tout à fait autre chose. C’est quelque chose que l’on peut difficilement traduire avec le numérique, et pour cause. Dans une banque de sons, tu te limites à une manière de jouer propre à un instrument et on ne peut pas avoir le spectre entier de tout ce qu’un instrument pourrait faire. Ainsi, engager des solistes permet d’agrémenter le caractère et l’authenticité du résultat final.

XBOXYGEN : En regardant ce Let’s play à 29 : 15, on a un extrait hyper mélancolique et nostalgique qui apparaît durant un dialogue avec Nindil. Est-ce toi qui choisis de le mettre là ? Est-que ça tu as composé exprès cet extrait musical POUR le passage ? Es-tu partisan du « less is more » pour composer ce genre d’extraits avec ces quelques accords magiques ? L’émotion est bien là, pourtant.

PAUL :

Pour donner un peu de contexte, au risque que les lecteurs me considèrent comme un disque rayé, la scène des sources chaudes dans Hollow Knight avec son titre « Reflection » a réellement changé ma vie. C’est la musique la plus écoutée sur Spotify et c’est ce genre de moment où j’ai juste lâché la manette : une épiphanie totale, aussi bien auditive que visuelle ou artistique. J’étais bouche bée. Si je le pouvais, je paierais pour l’oublier et revivre cet instant, car c’est à ce moment-là que j’ai compris qu’il fallait que j’en fasse mon travail. Je savais que techniquement parlant, j’en étais capable et que moi aussi, je pouvais créer un titre aussi riche.

Pour en revenir à l’extrait dont tu parles, j’ai justement voulu mettre en avant ce côté spleen, un sentiment si triste qu’il en est agréable. À un niveau émotionnel, ça me touche énormément, ce passage du jeu où les deux personnages se retrouvent sur les lieux dévastés de leur enfance. C’est là que j’ai compris que c’était l’opportunité idéale pour essayer moi aussi de faire mon propre « Reflection ».

Pour composer la chanson de cette scène, « Rest », je ne me suis pas basé sur ce qu’il se passait dans le scénario, mais plutôt sur l’émotion qu’il fallait faire ressortir. Comme ils se reposent, j’aurais pu composer une musique galvanisante, ou même quelque chose d’angoissant, mais c’est vraiment le côté mélancolique et triste qui m’inspirait plus qu’autre chose. On peut l’interpréter comme un devoir manqué par les personnages, une responsabilité de réparer les torts causés au lieu de leur enfance et de le faire renaître de ses cendres. Le côté mélancolique dans le pitch du jeu est vraiment ce qui m’a le plus inspiré, d’où la trame générale de ce que j’ai proposé.

En effet, je ne suis pas de nature partisane à en faire des caisses. Rien ne dénature plus une scène qu’un compositeur/écrivain qui bascule dans le pathos. Du coup, dans ma démarche, ça m’oblige à m’orienter vers des choses plus subtiles et travailler les textures (ma grande passion). Pour ça, j’utilise Cinematic : Lores par Native Instrument. Il y a un tel niveau d’émotion avec cet instrument que ça m’a carrément inspiré à m’acheter un archet pour créer mes propres instruments et sons sur Kontakt. Ensuite, je rajoute des accords et je me repose sur la très fiable science du bon goût pour espérer trouver les bons accords qui permettent d’insuffler la vie à un morceau et le faire respirer. Concrètement, ce morceau est juste une superposition de textures, un piano et un oud (instrument de musique à cordes pincées très répandu dans les pays arabes) qui joue les mêmes choses que lui par-dessus.

XBOXYGEN : Lors du combat de boss contre Azita, avais-tu une direction pour composer l’extrait ou as-tu agi de ton propre chef pour la direction artistique ? Ce qui te paraissait « cohérent » avec le reste de tes pistes ?

Je composais un truc classique, musique de boss, quelque chose de très orchestral avec beaucoup d’informations. C’est là que l’on comprend l’importance de l’interaction avec l’équipe de game design, car finalement, en comparant nos idées, ils ont exprimé le souhait d’avoir quelque chose de plus angoissant et ne voulaient pas de mes idées. Ainsi, ils m’ont vraiment montré l’émotion qu’ils voulaient mettre en avant. Moi je voulais plus un côté épique, qui exacerbe les émotions, eux m’ont conseillé de réduire la voilure sur cet aspect et vraiment mettre en scène le côté horrible et angoissant du combat.

XBOXYGEN : Est-ce plus dur de composer pour un jeu vidéo que pour d’autres projets ?

PAUL :

Bizarrement, je trouve ça plus simple de composer pour le JV.

Il y a autant de réponses que de compositeurs.

Une fois que tu as le brief et le mode de livraison/rendu du projet, tu es assez libre. Pour Ubi ce ne serait pas la même limonade, mais tu es relativement libre de faire la structure que tu veux. En réalité, il y a autant de réponses que de compositeurs.

Par exemple, je trouve qu’il est bien plus difficile de faire des musiques synchronisées pour les films. La première fois où j’ai dû en faire une, je pensais vraiment et naïvement que ce serait simple et que John Williams pourrait me féliciter. Visiblement, je n’avais pas capté toutes les contraintes du format cinéma.

On me donne une scène à « habiller ». Logiquement, je la regarde, je compose un super truc avec des mélodies incroyables et lorsque je la synchronise avec l’image, je constate que le film est fini avant la fin de ma musique. Et cette problématique, c’était pour seulement UNE SEULE scène. C’est là que je comprends qu’avec la synchronisation de musique, on est très limité au niveau des durées et hyper restreint dans les décisions artistiques. Tu dois en permanence faire varier ta piste. En vrai, composer vingt secondes de musique de film, c’est plus épuisant que trois minutes de musique de jeu.

Bon, après ça dépend logiquement de ce que l’on insère dans la musique. Dans Nocturnal, c’est assez simple au niveau des interactions.

John Williams disait que dans une scène de course-poursuite dans Indiana Jones, il y avait 15 000 points de synchronisation possibles (les moments où à l’image durant le montage, tu fais varier ou pas la musique) et c’est au compositeur de choisir lesquels utiliser ou mettre de côté pour faire varier la musique. C’est déboussolant.

XBOXYGEN : Enfin, as-tu aimé cette expérience ? Voudrais-tu recommencer ?

PAUL :

Carrément. En tant que compositeur, avoir un projet comme ça avec une telle DA, ce style de jeu précis etc., c’est vraiment une chance ultime. En vrai, même si j’adore Hollow Knight, je ne pensais pas me retrouver à bosser sur un jeu type side-scrolling en 2D avec des dessins réalisés à la main dans le même genre. Bosser avec une équipe aussi cool et soudée, c’était vraiment génial aussi.

Les conditions de travail étaient royales et j’aimerais vraiment rebosser avec eux si l’occasion se présente sur un nouveau jeu. C’est un « oui » les yeux fermés.

À l’instar d’Ardeshir, Paul a su attiser notre envie brûlante de découvrir cet aspect essentiel de toute œuvre vidéoludique de qualité et nous l’en remercions chaleureusement.

Propos recueillis par KieferO

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Nocturnal

Genre : Aventure/Plates-Formes

Développeur : SunnySide Games

Éditeur : Dear Villagers

Date de sortie : 07/06/2023

Prévu sur :

Xbox Series X/S, PlayStation 5, PC Windows

2 reactions

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zorglub

07 jui 2023 @ 22:18

Elle a l’air passionnante, cette itw et super complète ! Pas le temps de la lire ce soir, mais je me mets la page de coté pour demain ou ce WE.

Merci à Kiefer et à toute l’équipe de Xbxoxygen et merci aussi à Paul Darbot de donner de son temps pour nous les lecteurs !

Tomchoucrew

Rédaction

08 jui 2023 @ 09:44

Merci pour ton retour, ça nous tient à cœur de vous proposer ce genre de sujet sur l’envers du décor :)